[Action fondée sur la résiliation abusive d’un contrat de travail] Après un double échange d’écritures – càd. après la clôture de la phase d’allégations (ATF 140 III 312 c. 6.3.2; ATF 144 III 67 c. 2) -, un moyen de preuve qui constitue un pseudo nova n’est recevable que si le demandeur ne pouvait pas l’invoquer dans le cadre du double échange d’écritures, càd. dans sa réplique, bien qu’il ait fait preuve de la diligence requise (art. 229 al. 1 lit. b CPC). Le fait que les pseudo nova n’aient pas pu être invoqués antérieurement, même en faisant preuve de la diligence requise, implique qu’aucune négligence ne puisse être reprochée au plaideur concerné dans le fardeau de l’allégation et dans la charge de la preuve (fardeau subjectif de la preuve), ce qui implique aussi que le plaideur concerné ait entrepris les recherches que l’on pouvait attendre de lui. (…) Dès lors que dans sa réponse, le défendeur a allégué des faits [soit le contenu d’un entretien motivant la résiliation] dont la portée peut être centrale pour l’issue du procès et qu’il a offert des preuves [témoignages] recevables à l’appui de ces allégués, le demandeur avait [à ce moment déjà] des motifs de rechercher lui-même des moyens de preuves qui fassent apparaître invraisemblable le contenu allégué de l’entretien. On peut laisser ouverte la question de savoir si comme l’affirme le demandeur, il n’aurait du d’abord que contester [dans sa réplique, les allégués du défendeur], dans le cas où le défendeur, qui supporte en principe le fardeau de la preuve du contenu de l’entretien, se serait limité à des allégués et n’aurait formulé d’offres de preuves que dans sa duplique, après contestation. En effet, ce cas ne s’est pas produit.
2019-N31 – Après la fin de la phase d’allégation, les nova « de duplique » sont admissibles ; pas les nova « de réponse ».
Note F. Bastons Bulletti
1 Le TF ne contredit pas dans cette décision les principes qu’il a énoncés dans son récent arrêt destiné à la publication (v. TF 4A_70/2019* du 6.8.2019 c. 2.4.1 – 2.4.3 et c. 2.5.2, notes sous art. 229 al. 1 et 2, A.1. et B.2.b et in newsletter 2019-N22), même si leur application en l’espèce conduit à une solution plus sévère pour le demandeur.
2 Dans une cause soumise à la maxime des débats, il n’est certes pas exclu qu’une partie puisse encore présenter, après la fin d’un double échange d’écritures, des allégués et offres de preuves qui constituent des pseudo nova, càd. qui existaient avant la fin de la phase d’allégations. Encore faut-il qu’elle les invoque sans retard, et qu’en outre, ces pseudo nova soient excusables, càd. qu’ils n’aient pas pu être présentés auparavant, même en faisant preuve de diligence (art. 229 al. 1 et al. 1 lit. b CPC). Tel est le cas lorsque le plaideur n’a pas eu de raisons d’invoquer ces nova auparavant, notamment lorsque des arguments formellement présentés pour la première fois dans la duplique du défendeur sont la (seule) cause de l’introduction tardive de ces nova par le demandeur (nova dits « de duplique », cf. TF 4A_70/2019* précité c. 2.5.2).
3 En revanche, lorsque comme en l’espèce le défendeur allègue des faits clairement pertinents et présente des moyens de preuves dans sa réponse déjà, et que le juge ordonne un second échange d’écritures, le demandeur ne peut pas se contenter d’une contestation dans sa réplique, puis n’offrir de moyens de preuves qu’après la fin du second échange d’écritures. En effet – et au contraire de ce qui est en général le cas lorsque des arguments décisifs ne sont présentés que dans la duplique -, dès réception de la réponse, le demandeur a dans ce cas suffisamment de raisons, non seulement de contester l’allégué, mais d’offrir à son tour des moyens de preuves, sans attendre la fin de la phase d’allégations. Même si à ce moment, il ne dispose pas immédiatement de ces moyens de preuves, il doit ainsi se mettre sans délai à leur recherche et les présenter avec sa réplique. En l’espèce, dans sa duplique, le défendeur étoffait – notamment par une offre de preuve supplémentaire -, une argumentation qu’il avait déjà présentée dans sa réponse, en offrant des preuves. Le demandeur qui dans sa réplique, s’était limité à contester cette argumentation, a tenté en vain de convaincre le TF que seule la duplique avait occasionné son offre de preuves tardive : celle-ci a été écartée.
4 Il est moins évident que la même solution s’imposerait si dans sa réponse, le défendeur s’était contenté d’allégations, sans offrir de preuves. En ce cas, le demandeur aurait eu des motifs de contester ces allégués dans sa réplique, mais en principe pas d’offrir des preuves – pour autant que le fardeau de la preuve (du contraire) ou un devoir de collaborer à la preuve ne lui incombe pas (cf. notes sous art. 150ss, B. et C.3.). Ce n’est qu’à réception de la réplique que le défendeur aurait su qu’il devrait prouver son allégation (cf. art 150 CPC : la preuve ne porte que sur les faits contestés), ce qu’il aurait pu encore faire en offrant des preuves dans sa duplique. Il faut à notre avis admettre en général qu’au stade de la réplique, le demandeur n’a pas de motifs suffisants de rechercher et d’offrir des contre-preuves, pour faire échec aux preuves que le défendeur pourra éventuellement offrir plus tard. Il faut à cet égard rappeler que de manière générale, les exigences en matière de contestation sont moindres qu’en matière d’allégation et qu’elles dépendent aussi du degré de précision des allégués (cf. notes sous art. 222 al. 2, en part. ATF 141 III 433 c. 2.6). Dès lors, si le défendeur (ne) présente des preuves (que) dans sa duplique, le demandeur doit pouvoir en principe offrir à son tour des preuves après la fin de l’échange d’écritures, pourvu qu’il les présente sans tarder, au sens de l’art. 229 al. 1 lit. b CPC.
Proposition de citation:
F. Bastons Bulletti in newsletter CPC Online 2019-N31, n…